Les pérégrinations de saint – Philibert

Lors du cheminement pour les 20 ans de l’Association, les Jacquets de l’Eure et de la Seine-Maritime sont partis de l’Abbaye de Jumièges. Cette abbaye normande fut fondée par Saint-Philibert en 654.

Le 2è jour nous passerons à St-Philbert sur Risle.   Début septembre,  Normands et Bretons ont marché à St-Philbert sur Orne.

Mais qui était saint-Philibert ?

Saint Philibert, Philbert, Filibert ou Filbert,  né à Eauze vers 617/618 (on y passe  par la Voie du Puy)   était fils d’un comte qui devint évêque de Vic dans le Gers. De bonne famille, il rejoignit la cour du célèbre  roi Dagobert pour y être éduqué. Il se lia d’amitié avec  les futurs saints Eloi, venu du Limousin, Wandrille venu de Verdun, Ouen, appelé alors Dadon, venu de Soissons. Ses études terminées en 636, il souhaite devenir moine.

Vers 630, Dadon avait fondé l’abbaye de Rebais, en Brie Champenoise, sur des terres de chasse du roi Dagobert.  Philibert l’y rejoint donc en 636 en même temps que  St Aile qui y  devient abbé en 637. A la mort de St Aile en 650, c’est lui qui devient le 3è abbé. Il essaie de réformer ses moines qui le chassent 2 ans plus tard. Il prend alors son bâton de pèlerin pour aller visiter les tombeaux de saint Pierre et saint Paul  en Italie et méditer sur son échec. Il passe par l’abbaye de Bobbio dans le nord de l’Italie pour étudier la règle de saint Colomban (contempler, évangéliser, défricher). Quand il revient en Neustrie (Nom du royaume franc du Nord-Ouest de la France), Saint-Ouen, devenu archevêque de Rouen en 641, l’autorise à  fonder  un monastère sur des terres situées dans la boucle de la Seine, et obtenues grâce à  Bathilde, femme du roi  Clovis II, fils de Dagobert. Il fait bâtir 3 églises, 2 dortoirs et installe 70 moines sous  la règle de saint Colomban.

Suivant les idées de Bathilde contre l’esclavage, les moines s’attachent à racheter des captifs, surtout dans les îles Britanniques. On dit que le nombre des moines atteint alors rapidement 800. Le Prieuré de St Philbert sur Risle date peut-être de cette période faste de l ‘Abbaye.

En 662 il fonda une abbaye de femmes à Pavilly où il fit venir sainte Austreberthe.  Wandrille, lui, a fondé l’Abbaye de Fontenelle sur le Rançon en 649 et une abbaye de femmes en 664 à Fécamp .

Le maire du Palais de Neustrie installé à Rouen (2ème personnages du royaume franc) réussit à brouiller St Ouen et St Philbert  à l’occasion de l’assassinat de saint Léger.

Retenu  pendant 2 ans dans une tour, puis libéré après la mort du maire, Philibert part et fonde l’abbaye  de Noirmoutier  vers 677 avant de se réconcilier en 680 avec saint-Ouen.  En passant, il crée une abbaye de femmes à Montivilliers.

Il continue à parcourir le Poitou et il revient mourir à 68 ans le 20 août 684 à Noirmoutier.  Les moines installent leur fondateur dans un sarcophage de pierre verte et le disposent dans une crypte sous le chœur de leur église.

Le sel de l’île et les reliques de saint Philibert font prospérer l’Abbaye.

Source 1 : L’Abbaye de Jumièges par Edward MONTIER et Pierre CHIROL   édition Henri Defontaine, 1923

Dans la bibliographie on trouve «le Chartrier de l’Abbaye de Jumièges (de 825 à 1204), conservé aux Archives de la Seine Inférieure

 « Le dernier voyage de Filibert »

Philibert fut, de son vivant, un grand voyageur. Mais sa mort aussi fut voyageuse.

Les raids vikings le long des côtes vont changer le cours des choses.

Jacques Clouteau, le « père » de notre Miam – Miam Dodo, a retranscrit dans son livre, les pages importantes d’un manuscrit qu’il a eu la chance de consulter à Tournus, avant d’entreprendre, avec son âne Ferdinand,  son périple dans les pas de Filibert, le long de la Loire.

«  Lundi 12è jour du mois d’avril de l’an de grâce 836, le bon roi Pépin régnant sur le Royaume des Francs. Moi, Ermentaire, moine en le couvent de Noirmoustier, … natif de Poitiers j’ai reçu l’ordre de mon abbé Hilbod, de rédiger le présent manuscrit ».   Ainsi commence un parchemin relatant l’histoire de la translation des reliques de saint-Filibert et des miracles qui lui sont dûs durant celle-ci.

« Cela fait déjà plusieurs années que les féroces Danois sèment la désolation sur les côtes …  et que notre beau monastère n’est plus à l’abri de leurs pillages et de leurs meurtres  …  Le saint corps de Filibert … n’est plus à l’abri d’une profanation ».

Déjà en 834 et 835, par mesure de précaution, les moines de Noirmoutier  passent la belle saison à Déas (maintenant, Saint-Philbert de Grand Lieu) à 40 km  au sud de Nantes.  Le 20 août 834 les Vikings débarquent sur l’île où un détachement de soldats  attend de pied ferme les pirates.   484 Northmen sont tués contre un insulaire.

Un an plus tard les assaillants reviennent, nouvel assaut, nouvelle victoire. Mais un mois plus tard Rainaud, comte d’Herbauge qui commandait les bataillons d’accueil, est  tué lors d’une nouvelle attaque.  Hilbod  obtient alors du roi Pépin l’autorisation de s’installer à Déas.

3 heures de navigation et 3 jours de marche relient les 2 lieux.  Mais il y a tout à déménager, sans oublier le sarcophage.  Saint Philibert est très visité par les pèlerins. C’est lui la vraie fortune du monastère. Le 7 juin 836, Filibert quitte Noirmoutier le dernier. Après le passage en bateau  il reste 7 lieues à parcourir. « 24 moines… des plus robustes… le transportent sur leurs épaules. Childric, notre frère tailleur de pierre assure qu’il pèse près de 4000 livres». «Il est tombé de grands abats d’eau, … aussi cheminons nous  à l’allure d’un escargot ».

Les moines installent les reliques dans une crypte sous l’autel de leur nouveau monastère.  10 ans plus tard, les Vikings remontent à nouveau  la Loire jusqu’à Tours.

Le 27 décembre 845, le roi Charles le Chauve donne à la communauté le petit monastère de Cunault, au nord de Saumur. Nouveau déménagement en 846. Il était temps, le 29 mars 847, après avoir brulé la vallée de la Loire, les Vikings incendient l’abbaye de Déas qui s’écroule sur le sarcophage de Filibert. En 857, les moines vont récupérer les ossements de leur saint fondateur et les installent dans une chasse. Le sarcophage de pierre est toujours à Saint-Philibert de Grand Lieu.

A son tour, Cunault n’est plus sûr.  Charles le Chauve leur fait don de possessions à Messais à 80 km, aux alentours de Loudun.  Ils partent en 862. Ils auront passé 16 ans à Cunault.

Là,  ils resteront 9 ans.  Puis Charles le Chauve, toujours lui, leur donne  l’Abbaye de Saint-Pourçain sur Sioule, dans l’Allier, à 40 lieues de Messais. Ronan, le moine chargé maintenant de relater les transferts, parle de 80 chariots tirés par des bœufs.  Ils y arriveront le 4 janvier  872 et y resteront 4 ans.

En 875, le père abbé Geilon  revient « d’une pérégrination en Bourgogne dans la bourgade de Tournus  ….  où il avait rencontré une communauté qui veillait sur les reliques de saint Valérien.»  Les 2 abbés décident de fusionner et d’honorer saint Valérien et saint Filibert.

« En mai 875, nous allons pour la cinquième fois charger les chariots et reprendre le chemin » écrit Ronan, qui sera le dernier moine à tenir le registre.  Depuis Filibert repose sereinement à Tournus et profite de son éternité.

Il existe 3 exemplaires de ce parchemin qui ont franchi les perturbations des temps : un à la bibliothèque de Tournus, un à la Bibliothèque Vaticane et le troisième à la Bibliothèque Nationale.

Source 2 : « Le dernier voyage de Filibert » par Jacques Clouteau    Editions du Vieux Crayon, 1997

Les Jacquets

En janvier 871 le moine Ronan  évoque des passages de Jacquets : «depuis plusieurs jours, nous avons croisé des troupes de pèlerins se rendant en Galice … ils disent aller prier sur la tombe de Monseigneur Saint Jacques.  Il règne au sein de notre Eglise une grande confusion quant à l’invention de ce tombeau. Certains affirment que ce n’est que menterie, que saint Jacques est enterré en Palestine. D’autres  … affirment que  c’est la vérité et que saint Jacques  a déjà réalisé de grands miracles …  Il faudrait que tous nos moines s’unissent et offrent à ces courageux voyageurs, chaque soir, le gîte et le couvert … Il faudrait aussi que nos nobles seigneurs constituent une chevalerie et assurent aux pèlerins la sécurité du chemin….  Notre Père abbé souhaite que dans notre nouveau monastère, à Saint Pourçain, soit réservée une salle pour les pauvres voyageurs de Dieu et de saint Jacques … ».

15-Pèlerins d’autrefois-site maprimaire.fr